Le fauteuil 40
- Par Liliane Schraûwen
- Le 15/04/2012
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- Dans De la littérature
Lu dans le Figaro littéraire du 12 avril, sous la plume un brin ironique – me semble-t-il – de Blaise de Chabalier: “L'ancienne vedette du "20 heures" de TF1, Patrick Poivre d'Arvor, également écrivain prolifique, a plus que jamais l'intention d'être reconnu comme un homme de lettres. Ne vient-il pas de déposer sa candidature à l'Académie française ? On saura le 26 avril si celui qui obtint le prix Interallié en 2000 pour L'Irrésolu deviendra, ou non, immortel. Le suspense est intense tout comme celui ménagé par PPDA dans son nouveau roman, Rapaces (…). Décidément sur tous les fronts, PPDA prépare aussi aux PUF un "Que sais-je" (…)”
Prolifique, en effet! On se demande comment il arrive à faire – et à écrire – tant de choses…
Un peu tard pour un poisson d'avril. Vérification faite, l'info d'ailleurs n'a rien d'une farce.
On croit rêver. Certes, l'Académie est une très vieille dame (immortelle, sans doute, mais il est un âge où même les dieux se voient menacés d'Alzheimer), et à 377 ans, ma foi, on peut comprendre et pardonner bien des erreurs. À moins que ce soit le candidat qui souffre de ce qu'on appelle pudiquement des "troubles cognitifs", même s'il est plus jeune (ou devrais-je écrire "moins vieux") que moi de quelques mois. Car enfin, cet "homme de lettres" (qui ne sont pas toujours les siennes) a quand même été poursuivi il y a un an à peine pour "atteinte à la vie privée et contrefaçon" et, dans la foulée, condamné à verser 33.000 euros à sa victime et ex-amie, même si le candidat à l'immortalité a annoncé qu'il ferait appel de cette décision. Plagiaire, lui ? Pensez donc ! Mufle non plus, c'est évident. Et sans une once de vanité.
Bien sûr, il y a aussi l'affaire de sa bio d'Hemingway, et les révélations de l'Express. Une cabale, rétorque le grand homme, une de plus !
Et n'ayons pas la mesquinerie de revenir sur les condamnations judiciaires dont il a été l'objet, notamment pour recel d'abus de biens sociaux, pour diffamation… N'insistons pas non plus sur l'interview truquée de Fidel Castro en 1991. Ni sur les rumeurs concernant l'un ou l'autre nègre éventuel. Mensonges , malveillance pure ou, à tout le moins, péchés de jeunesse que tout cela, erreurs de vieillesse, et que celui qui n'a jamais péché lui jette donc la première pierre…
Broutilles vous dis-je, qui ne devraient en rien interférer dans les projets académiques du chauve le mieux camouflé du landerneau littéraire. Pourquoi donc l'Académie s'arrêterait-elle à de si basses considérations, elle qui n'a pas hésité in tempore non suspecto, comme disent les juristes, à décerner son Grand Prix du Roman à la championne toute catégorie du plagiat avéré, vérifié, estampillé et… immortalisé, grande admiratrice par ailleurs de Kadhafi, qui n'était pas immortel comme l'ont prouvé les événements.
Souhaitons donc au cher Patrick de rejoindre – enfin – cette cour des grands dont sans doute il a toujours rêvé. Je l'imagine tutoyant ses nouveaux amis et discutant littérature avec l'auteur du Passage et de La Princesse et le Président sous le regard à peine teinté d'ironie de Jean d'Ormesson, cependant que notre compatriote François Weyergans prendrait des notes, pour le cas où une panne d'inspiration le mènerait à puiser dans ses souvenirs la trame d'un futur opus.
Ayant eu la curiosité de m'informer sur les autres prétendants au fauteuil 40, je vous en livre bien volontiers la liste, fournie par l'Académie elle-même. Ils sont au nombre de huit. À savoir, outre l'illustre PPDA, les moins illustres Michel Carassou, Yves-Denis Delaporte, Michael Edwards, Olivier Mathieu, Thierry de Montbrial, Isaline Rémy, Joël Vergnhes. Vous ne les connaissez pas ? Rassurez-vous, moi non plus. J'ai donc sollicité mon pc, et voici ce que m'a révélé une recherche rapide.
Le premier est historien de la littérature et essayiste, le deuxième est poète et blogueur (j'ai toutes mes chances, je devrais peut-être poser ma candidature, moi aussi…), le troisième est professeur, critique et poète. Thierry de Montbrial me plaît bien car son nom a un parfum d'ancien régime tout à fait romantique qui ressemble à l'un de ces pseudonymes auxquels s'essayait le jeune Romain Gary dans La Promesse de l'Aube. En plus, il arbore sur sa page Wikipédia une belle tête qui ne dépare pas son patronyme. Dommage qu'il soit économiste. Nobody's perfect, n'est-il pas ? Isaline Rémy est un écrivain à peu près aussi célèbre que moi, peut-être même un peu moins… Quant à Joël Vergnhes, eh bien, j'avoue que même Internet ne m'a rien appris à son sujet.
PPDA a donc toutes ses chances, quels que soient ses innombrables démêlés avec la Justice et les casseroles qu'il traîne derrière lui. Lui, au moins, tout le monde le connaît. N'est-ce pas cela, finalement, l'essentiel aujourd'hui ?
Mais que fait Le Clézio ? me demanderez-vous. La réponse est simple. Il s'occupe de l'essentiel: la littérature.
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- 1. | 10/12/2023